Entretien avec Galia Salimo


Monika: Aujourd'hui, j'aimerais vous présenter l'une des femmes les plus inspirantes que j'ai jamais rencontrées. Je parle de Galia Salimo, française, mannequin, danseuse, vedette de la télévision, vedette des spectacles parisiens au Carrousel, au Palace, à l'Alcazar, au Queen, au Manko, connue comme la reine des nuits parisiennes. Elle est l'auteur de "Quand j'étais petit garçon" (2017) et “Quelque chose en moins... ou en plus” (2022). Bonjour Galia!
Galia: Bonjour Monika!
Monika: Tu es fantastique. Quel est le secret de votre beauté éternelle?
Galia: Le regard des autres.
Monika: Je dois essayer moi-même! Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous?
Galia: Que dire sur moi??? Quelques mots ne suffiront pas c’est pourquoi j’ai commencé à écrire une biographie nous en sommes aujourd’hui au tome 2 et je suis en écriture du troisième tome.
Monika: En 2017, vous avez publié "Quand j'étais petit garçon". Qu'est-ce qui vous a donné envie de partager votre histoire?
Galia: Avec le recul je voulais revivre et faire partager l’aventure incroyable qu’à été ma vie et tout naturellement j’ai commencé par l’enfance.
Monika: En 2022, vous avez publié le deuxième volet intitulé "Quelque chose en moins... ou en plus". Le livre se concentre-t-il sur votre carrière dans le cabaret?
Galia: Oui absolument. Je raconte mon arrivée à les difficultés et les chances, puis mon ascension dans ce milieu de plumes et de paillettes, le Carrousel, l’Alcazar, les tournées à travers le monde et ma décision de partir à Londres pour y devenir définitivement celle que j’étais.
Monika: Qu'est-ce qu'on va lire dans le troisième tome?
Galia: Je vais y retracer toute la difficulté d’accepter d’être cette nouvelle personne que j’avais décidé d’être. Mes sublimes rencontres qui m’ont aidé à y parvenir ma reconversion vers un nouveau métier pour devenir la reine du Queen la plus célèbre discothèque des années 90, 2000.
"Le regard des autres."
Monika: Avez-vous eu une enfance heureuse?
Galia: Comment peut-on avoir une enfance heureuse quand on est emprisonné dans un corps qui n’est pas le sien, dans un milieu hostile et confronté au racisme???
Monika: Quand avez-vous décidé de devenir artiste de cabaret?
Galia: Lorsque j’ai décidé de devenir celle que je suis aujourd’hui dans les années 70, il n’y avait pas plusieurs possibilités c’était la prostitution ou le cabaret, la première solution était inenvisageable et chance j’étais douée pour la danse.
Monika: Et si on chantait?
Galia: On hurlerait… I am what I am...!! Et surtout Flowers de Miley Cyrus.
Monika: Vous souvenez-vous de votre premier spectacle?
Galia: Oui c’était une audition chez Madame Arthur à Anvers en Belgique, ce fut une catastrophe, j’avais eu la mauvaise idée de faire un striptease sur un charleston…
Monika: Les débuts n'étaient pas trop bons mais ta carrière chez Madame Arthur a été fantastique. Comment vous souvenez-vous de ces années et de ces performances?
Galia: C’était extraordinaire, il y avait un petit orchestre et je chantais une chanson de Coccinelle, j’avais l’impression de vivre un rêve, c’était délicieux.
Monika: Madame Arthur a été fermée pendant de nombreuses années, et elle a été entièrement restaurée et rouverte en novembre 2015. Avez-vous eu la chance de la visiter?
Galia: Oui, j’y suis retourné voir le nouveau spectacle, c’est tout à fait autre chose, c’est le mélange des genres, femmes à barbes et talent incroyable le reflet de notre époque où le genre à remplacer le sexe.
Monika: Restez-vous en contact avec d'autres dames de Madame Arthur?
Galia: Non mais récemment avec BAMBI nous avons participé à un documentaire où nous les avons rencontrés.
Monika: Vous avez travaillé pour de nombreux cabarets nocturnes parisiens en tant que danseuse nue. L'aspect le plus difficile d'être un danseur est notre sens des imperfections corporelles. L'idée d'exposer mon corps en présence du public et des médias serait un peu paralysante pour moi, je dois le dire. Vous ressembliez à un million de dollars vous-même mais avez-vous dû surmonter ce sentiment d'imperfection?
Galia: Non la scène, les lumières, le public me procurait un sentiment de puissance, être l’objet de tous les regards me donnait une force, un pouvoir que je ne connaissais pas dans ma vie de tous les jours. Sur scène Je devenais actrice de mon destin et ma timidité s’effaçait.
Monika: Pourquoi avez-vous choisi Galia pour votre nom?
Galia: Ce sont mes copains qui trouvent que je ressemblais à l’héroïne d’un film qui avait pour titre GALIA.

"Sur scène Je devenais actrice de mon destin
et ma timidité s’effaçait." Photo: Eric Cazalot.

Monika: Nous payons tous le prix le plus élevé pour la réalisation de nos rêves d'être nous-mêmes. En conséquence, nous perdons nos familles, nos amis, nos emplois et nos positions sociales. Avez-vous aussi payé un prix aussi élevé? Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans votre coming out?
Galia: Non ma conviction d’être sur le bon chemin et ma bonne étoile sans doute ne m’ont jamais fait ressentir qu’il y avait un prix à payer et s’il y en avait eu, je l’avais déjà réglé avec une enfance de misère. Je n’ai jamais fait de Coming-out ce n’était pas nécessaire je travaillais au Carrousel de Paris dont le slogan était “les plus beaux travestis du monde“ inutile donc de le proclamer à notre tour.
Monika: Votre famille a-t-elle été surprise par votre transition?
Galia: J’ai tout quitté le jour où j’ai décidé de devenir qui je savais être et n’ai revu mes parents que quelques années après heureux de me retrouver.
Monika: Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez vu une femme transgenre à la télévision ou rencontré quelqu'un de transgenre en personne qui vous a ouvert les yeux et vous a permis de réaliser qui vous êtes?
Galia: Oui ce fut une véritable révélation. Une jeune fille superbe dans un bar… mes amis me disent crûment “c’est un homme“ tous mes rêves d’enfant ont ressurgi. J’avais trouvé ma voie elle était la preuve que c’était possible (vous pourrez lire toute la scène dans mon premier livre).
Monika: Aviez-vous des sœurs transgenres autour de vous qui vous ont soutenu pendant la transition?
Galia: J’ai eu la chance de débuter au carrousel nous étions 22 transsexuelles venues du monde entier c’était une véritable ruche, un univers où chacune apportait aux autres sa propre expérience, BAMBI, CAPUCINE, CHOUCHOU. Les progrès étaient spectaculaires nous étions les filles du Carrousel…
Monika: De partout dans le monde? J'ai entendu parler d'April Ashley d'Angleterre. Et les autres filles venaient de quels pays?
Galia: Du Brésil avec Rogeria et Valeria, d’Italie, d’Uruguay avec Doriana, d’Amérique avec LesLee, du Japon avec Carrousel-Maki et de Grèce en fait du monde entier.

"J’ai tout quitté le jour où j’ai décidé de
devenir qui je savais être."

Monika: Comment les filles ont-elles été sélectionnées au Carrousel? Vous souvenez-vous de votre entretien d’embauche?
Galia: On passait une audition sur scène et la directrice vous engageait ou pas.
Monika: Toutes les filles avaient l'air très féminines et belles. Je suppose que la beauté était un facteur essentiel pour être accepté au Carrousel.
Galia: Oui contrairement à Madame Arthur le critère essentiel était la féminité et le Slogan officiel était “Les plus beaux travestis du monde“ avec cette étiquette on ne passait pas inaperçues et il fallait aux yeux du public justifier cette affirmation.
Monika: Le Carrousel était l'un des cabarets les plus populaires de Paris. Je suppose que vous toutes, Coccinelle, Bambi et d'autres dames aviez le statut de célébrité. Avez-vous apprécié?
Galia: Oui c’était délicieux mais nous le ressentions encore plus lors de nos tournées à travers le monde, dont je parle d’ailleurs dans mon second livre, À chaque arrivée dans un pays nous étions accueillie par des journalistes et les télés se disputaient nos interview.
Monika: L'équipe du Carrousel a-t-elle beaucoup voyagé en Europe?
Galia: Énormément, mais aussi en Asie, en Australie, en Égypte, au Moyen-Orient, et même à Las Vegas.
Monika: Toutes les filles étaient belles et talentueuses. Dommage que seule Coccinelle ait réussi à devenir une actrice à succès…
Galia: Coccinelle était la première et elle avait un sens innée du buzz elle aurait été aujourd’hui la reine du buzz et des réseaux sociaux.
"Aujourd’hui tout c’est ouvert, il n’est
plus rare de rencontrer nos sœurs dans
tous les métiers."
Monika: Comment les filles faisaient-elles pour avoir des hormones féminisantes dans les années 60? Était-il possible d'obtenir une ordonnance d'un médecin?
Galia: Dans ces années-là nul besoin d’ordonnance pour se procurer des hormones, on les achetait en pharmacie ou lors de nos passage en Suisse où nous partions en tournée deux fois par an.
Monika: Et l'opération de changement de sexe? Était-il disponible uniquement dans la clinique du Dr Burou à Casablanca?
Galia: Les premières comme Coccinelle, BAMBI, Capucine sont partis à Casablanca. Mais dans les années 80 nous sommes toutes parties à Londres chez le Docteur Phillips.
Monika: Si je ne me trompe pas, Coccinelle a été la première fille du Carrousel à avoir trouvé le Dr Burou?
Galia: Absolument c’est notre mère à toute…
Monika: Que pensez-vous de la situation actuelle des femmes transgenres dans votre pays?
Galia: Aujourd’hui tout c’est ouvert, il n’est plus rare de rencontrer nos sœurs dans tous les métiers, dans tous les milieux… tout est plus fluide et j’en suis très heureuse pour elles.
Monika: Si tu étais née plus tard, tu n'aurais pas eu à choisir entre le cabaret ou la prostitution. Vous pourriez être mannequin, actrice, avocate ou tout autre professionnel. Vous n'êtes pas jaloux?
Galia: J’ai été mannequin, mais ce n’était pas mon trip, j’aime trop la scène c’est pourquoi je ne peux être jalouse car je faisais ce que j’aimais.
Monika: Aimes-tu la mode? Quel genre de tenues portez-vous habituellement? Des designs de mode, des couleurs ou des tendances spéciales?
Galia: La mode se démode, rien ne vaut son propre style, casual chic…
Monika: Je me souviens d'avoir d'abord copié ma sœur et ma mère, puis d'autres femmes, essayant d'avoir l'air 100 % féminines, et mes amies cis plaisantaient en disant que j'essayais d'être une femme qui n'existe pas en réalité. Avez-vous vécu la même chose?
Monika: Au fait, est-ce que tu aimes qu'on te complimente sur ton apparence?
Galia: Comme tout être humain et peut-être un peu plus puisque je suis une artiste.
Monika: Quand j'ai vu la première ride sur mon visage, j'ai été très déprimée. Notre beauté s'estompe si vite. Avez-vous peur de vieillir?
Galia: Je suis entrée dans cette nouvelle étape. Elle ne me fait pas peur car si la beauté passe le charme reste… et la vie est pleine de surprises à tout âge… À la rentrée je serais au Théâtre pour jouer “les monologues du vagin “ d’Eve Ensler… ce sera la première fois en France qu’une transsexuelle jouera dans cette pièce… vive la vie.
"Je crois plus en l’amitié qu’en
l’amour."
Monika: Êtes-vous impliqué dans la vie de la communauté LGBTQ locale?
Galia: Non lorsque j’ai débuté ce genre d’association n’existait pas et je n’ai pas vocation à être militante.
Monika: Pouvez-vous me parler de l'importance de l'amour dans votre vie?
Galia: Je crois plus en l’amitié qu’en l’amour que je trouve trop éphémère. Je n’aime que la passion et elle ne peut durer éternellement.
Monika: Que recommanderiez-vous à toutes les femmes transgenres qui ont peur de la transition?
Galia: Qu’elle ne la fasse pas… car si elles ont peur c’est qu’elles ne sont pas prêtes... il faut que ce soit vital et inconditionnel.
Monika: Mon amie de plume Gina Grahame m'a écrit une fois que nous ne devrions pas limiter notre potentiel à cause de la façon dont nous sommes nés ou de ce que nous voyons d'autres personnes transgenres faire. Nos rêves ne doivent pas se terminer sur une table d'opération; c'est là qu'ils commencent. Es-tu d'accord avec ça?
Galia: En quoi le genre a-t-il un rapport avec notre potentiel, nos talents? Je suis entièrement d’accord avec ton amie… l’opération n’est qu’une marche qui doit nous emmener vers notre épanouissement, c’est une étape, pas un but.
Monika: Galia, ce fut un plaisir de t'interviewer. Merci beaucoup!
Galia: Merci Monika!

Toutes les photos: Avec l'aimable autorisation de Galia Salimo.
© 2023 - Monika Kowalska.


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